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Mais tu fais quoi, en fait ?

Posted in Posts by Romain Verdier on septembre 16, 2008

Je pense avoir une idée très précise de ce qu’est mon métier. En fait, pour savoir comment travailler, ça me parait essentiel. Il ne s’agit pas de constater ce que l’on fait, mais plutôt de comprendre son rôle, d’en connaitre les contraintes et les objectifs ; d’en percevoir l’utilité. Ca peut aider lorsqu’on intègre une équipe où le VCS est un dossier partagé sur \\srv-sources, ou bien lorsqu’on découvre une boite dans laquelle les stagiaires écrivent des compilateurs pour s’amuser. En brainfuck.

Si je sais ce qu’est mon métier, je devrais être capable de l’expliquer, n’est-ce pas ?

Ca dépend. Il y a quelques semaines j’ai dîné avec mes parents.

Non, ils ne représentent pas la moitié de mon lectorat. Par contre, ils doivent faire partie des plus profanes à avoir un jour lu ce blog. Ca ne les a pas aidé à comprendre ce que je faisais, ni à imaginer ce que pouvait être mon métier. Evidemment, ils ne sont pas les seuls, et évidement, ils n’y sont pour rien. Tenter d’expliquer son métier, lorsqu’il repose principalement sur des concepts virtuels, abstraits, est une tâche compliquée. On peut expliquer qu’on est consultant en informatique, et que l’on effectue des missions chez différents clients pour les aider, les assister, les conseiller, mais c’est rarement suffisant. Paraphraser n’aide pas vraiment :

Ben tu vois, en ce moment, je dois aider une équipe à concevoir et réaliser une solution autour d’une nouvelle technologie qu’ils connaissent depuis peu. Je les oriente, je définis des modèles à suivre, j’essaye de mettre en place des méthodes de travail. Je fais découvrir de nouveaux outils. En fait, c’est un accompagnement ; il faut que d’une façon ou d’une autre ils puissent bénéficier de mon expérience.

Donc tu installes leurs ordinateurs ?

Heu, pas exactement…

Pas facile de comprendre comment le fils adoré justifie son salaire obscène, hein ? C’est encore moins clair lorsqu’il commence à parler de développement, de technologies, et d’algorithmes génétiques.

Mais est-ce qu’on peut faire autrement que de rester superficiel, lorsqu’on parle de son métier ? Comment expliquer simplement ce qu’est l’ingénierie logicielle, lorsque les interlocuteurs perçoivent difficilement les frontières qui existent entre la machine, le système, les applications, leur utilisation et leur développement ? Comment expliquer ce qu’est l’ingénierie logicielle alors que beaucoup de développeurs n’en ont aucune idée ?

Il semblerait que la meilleure façon d’y tendre soit de réutiliser les métaphores de l’architecture et de la construction, mais là encore, il faut réussir à mettre en avant les différences qu’il y a entre le développement d’une application et l’édification d’un bâtiment. Construire des maisons, on le fait depuis toujours. Le génie de la construction et le génie logiciel n’ont pas exactement le même âge.

Paradoxalement, plus le métier semble étrange, plus les gens cherchent à comprendre de quoi il s’agit vraiment. Je doute que l’actuariat soit plus simple à vulgariser que l’ingénierie logicielle, pourtant, on pourra se contenter de savoir qu’untel travaille-dans-l’assurance. Faire de l’informatique ne signifie plus rien depuis des années. Le domaine est vaste, vraiment. Ne pas être capable d’expliquer précisément à monsieur tout le monde ou à boyboyotte où se situe son métier dans cette nébuleuse peut être frustrant. On aimerait pouvoir se débarrasser définitivement des requêtes vexantes du genre :

Tiens, ça tombe bien que tu sois là. Tu pourrais réparer mon imprimante toi qui fais de l’informatique ?

Car oui, on peut faire de l’informatique sans forcément travailler chez Darty. Encore une fois, c’est moins évident qu’il n’y parait.

Je ne suis pas sûr qu’il y ait une solution, ou en tout cas, pas sans envisager un investissement bilatéral dépassant le cadre de la discussion sur fond de hip hop indien dans un resto du Xème.

Avez-vous ne serait-ce qu’une fois tenté d’expliquer ce que vous faisiez à une personne normale ? Vous êtes-vous fait comprendre sans avoir eu à créer une BD ?

Je suis curieux.

13 Réponses

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  1. JB DUSSEAUT said, on septembre 17, 2008 at 6:59

    C’est clair qu’il est extrêmement frustrant de ne pas pouvoir expliquer ni partager notre travail avec nos proches un peu profane, et je dois avouer que j’ai un peu laisser tomber l’idée de transmettre cette passion.

    Le mieux que j’ai pu obtenir à force de hurler c’est que ma famille arrête de me demander à tout bout de champs de réparer leurs ordinateurs :)

  2. bamboo said, on septembre 17, 2008 at 8:22

    Perso, les maisons et les voitures ça marche pas mal pour expliquer. Par contre le concept de veille technologique, de CMMI et tout ça marche pas encore trop ^^

    Je préfère dire que je suis chef de projet, comme ça on me demande pas trop pour les imprimantes :)

  3. Chris said, on septembre 17, 2008 at 8:23

    Je pense qu’on a tous le même problème… Par exemple ne surtout pas dire « Je suis ingénieur informatique ». C’est la porte ouverte à la réparation des ordis du voisinage.
    Je dis actuellement que je suis « Ingénieur développement logiciel » ou « Architecte logiciel » suivant les jours. Les gens ne savent pas ce que c’est, ça a l’air compliqué, et ne font pas le rapprochement avec le bug kikoolol sur MSN qu’ils ont eu hier.
    Aussi je réponds souvent à quelqu’un disant ‘Il travaille dans les ordinateurs » que « oui, juste entre le disque dur et la carte graphique ». Ils ne savent pas quoi dire ensuite, et on est tranquille.
    Mais les gens voient surtout en quoi ton métier pourrait leur servir dans l’immédiat. J’ai par exemple un ami kiné qui dit qu’il est infirmier, sinon on lui demande des massages.
    Le pire que j’ai eu était à une époque où j’ai travaillé à Canal+ Technologies (entité qui développait le hard et soft des décodeurs). A chaque fois que je disais où je travaillais, la réponse était : « Tu peux m’avoir un décodeur !? ». Je ne pense pas que ceux qui travaillent chez Peugeot par exemple se voient demander « Tu peux m’avoir une 207 !? ».

    Bref, c’est très dur d’expliquer notre activité au profane… Même à ma femme, en lui montrant des exemple de code (« Hello world » pour faire très simple), en lui expliquant longuement les méthodologies pour faire du logiciel… Pour eux on n’est que des installateurs d’ordinateurs…

  4. Fabien Bézagu said, on septembre 17, 2008 at 12:09

    Il y a quelques temps, Ben Scheirman avait écrit un billet dans le style « Faut-il aider sa famille et comment ? ». A lire : http://www.flux88.com/10StepsToWinTheFamilyITGuyAward.aspx

  5. Safia said, on septembre 17, 2008 at 7:20

    J’ai une grande nouvelle pour vous ! Vous n’êtes plus seuls !!!!!!!!

    Je crois même que ma situation est pire que la votre.

    Comment voulez vous que j’explique qu’être prof de musique ce n’est pas « faire du pipo » d’une part et d’autre part, comment voulez vous que j’arrive à être aussi crédible qu’un prof d’une matière quelconque quand j’avoue enseigner la musique.

    Et oui !!!! C’est impossible! Je passerai donc pour un saltimbanque toute ma vie.

    Vous, au moins, vous faites « sérieux »…

  6. grozeille said, on septembre 17, 2008 at 9:06

    Le coup du bâtiment, je m’en sert même pour mon chef de projet -_-‘ mais c’est un autre débat…
    Sinon, comme ma famille utilise le PC, je leur dit que je fabrique les logiciels… quand ils m’ont demandé « comment? » j’ai répondu que je passe ma journée assis devant un écran à écrire du code (avec un exemple de code). En expliquant rapidement, mon grand père m’a dit « ah ben ouai, tu fais des math!!! »… ouai voila, je passe ma journée devant un écran à rédiger des « fonctions mathématiques » pour que l’ordinateur calcule des choses et fasses tourner un logiciel.

    Sinon Safia, pour ma part, je pense que prof c’est surtout de la pédagogie, donc du contact humain… pas facile avec des petits singes !!! Après, que ce soit de la musique ou de la physique, je trouve que ça change pas le fait qu’il faille une merveilleuse compétence sociale.

    Jérôme : ouai chef de projet c’est la classe, et on te fait pas chier. Je dit « cadre » comme ça je reste floux… de toute manière, je passe plus de temps à gérer le temps ou les conflits humains que les bugs.

  7. Microbe said, on septembre 17, 2008 at 10:12

    C’est vrai que votre domaine est vaste, comme tu le dis et aussi très spécialisé. Ce qui éloigne le profane.

    J’ai le souvenir de collègues, (responsables du « domaine informatique » dans les services), qui prenaient un malin plaisir à jargonner entre eux, et devant nous, afin de nous tenir bien à l’écart de ce qui se passait. Du coup leur discipline était environnée d’une espèce d’aura qui nous faisait nous sentir tout petits. Et quand ça ne marchait pas c’était forcément de notre faute.

    J’ai apprécié ta réflexion pour tenter d’expliquer ce que tu faisais.

    PS : aucun salaire n’est obscène lorsqu’il correspond à la juste rétribution d’un investissement personnel…

  8. Olivier said, on septembre 18, 2008 at 12:55

    On se sent moins seul en lisant ton billet, on a presque tous cette question de reconnaissance du métier. Déjà, depuis pas mal d’années, j’ai pour principe de ne PLUS toucher aux PCs des autres, que cela soit pour une imprimante ou dépanner le logiciel truc qui marche plus.

    Ensuite, expliquer son métier reste difficile. En général, je dis que « je crée des logiciels, mais pour Internet » (auquel on me répond souvent « ah oui, tu es programmateur »), même si je suis amené à gérer des projets, développer, etc…et j’évite autant que faire se peut le terme « ingénieur en informatique », trop généraliste, même au travail, cela crée beaucoup d’amalgames.

    @Microbe : bien souvent, lorsque l’on parle entre gens du métier, nous sommes obligés d’utiliser des mots métier (cela va plus vite ainsi) – on retrouve cela dans chaque corps de métier (compta, …). Après, quand j’ai en face de moi, un utilisateur ou un « profane », j’essaie toujours d’utiliser des mots compréhensibles par mon auditoire, mais ça aussi, ce n’est pas toujours simple.

  9. Guillaume said, on septembre 18, 2008 at 3:11

    Il me semble que ce genre de problème existe dans quasiment toutes les professions un peu spécialisées non ?
    Que fait un financier ? un traider ? un biologiste ? un architecte ? un professeur d’informatique ? un prestidigitateur ? un notaire ? un conchiliculteur ?
    ca semble evident au premier abord… et pourtant ….

  10. Cédric M. said, on décembre 8, 2008 at 10:50

    Je vous dis « bonjour » pour mon premier post sur le blog de ce cher Romain. Pour situer un peu les choses on se connait (Grozeille aussi) depuis 2001.

    Contrairement à eux, je suis encore étudiant (les joies des parcours en dents de scie et des jeux vidéos…), et je peux vous dire que le sujet du billet de Romain, c’est une question que je me pose souvent bien avant d’avoir commencé. Ce que je n’aime pas dans cette « discipline » qu’est l’informatique, c’est le vague qui existe dans les titres des diplômes et des postes. « Informatique de gestion » pendant les études, puis cet été un CDD en tant que « Ingénieur d’Etudes » (Pareil ça veut dire quoi ? Alors que je n’ai fait que de la recherche de solutions et leur mise en place), ça n’explique toujours en rien ce qu’on fait concrètement.

    Je vais bientôt partir en stage de fin de Master, et à vrai dire je ne sais même pas dans quoi postuler, vu qu’a priori on doit être capable de s’adapter… Pour amplifier ce doute, on a pas mal d’offres de stage de SSII et autres boites avec des intitulés aussi trompeurs ou si peu parlants : « Ingénieur R&D Junior », « Ingénieur Etudes et Développement », « Ingénieur Décisionnel », j’en passe et des meilleurs.

    Bien sur si ON (nous les « gars du métier ») lit le détail de l’offre, on comprendra plus ou moins ce qu’on va faire (quoi que…) Conclusion, depuis les études et les premières offres de travail/stages tout est encore assez flou.

    Pour finir, je vais répondre « Non » à ta question Romain. Je ne sais pas expliquer aux autres ce que je fais réellement. Pour en finir je vais dire comme matou, heu « grozeille » et d’autres : »je fais des logiciels ». Et là pas de bol ils me disent : « c’est à dire ? ». Et je réponds « Ben tu vois les sites internets, les kits d’installation wanadoo, des dvd de leçons de vacances pour les petits pendant les vacances, les caisses au supermarché, les gabiers… tout ça quoi ! ».

    Et là ils me traitent pour la plupart de « petit moucate » et je suis content. Désolé pour la longueur, mais c’était un « prétexte » pour ne pas aller réviser mes cours sur les J2E et les EJB…

    Faut se rendre à l’évidence, les informaticiens sont des extra-terrestres.

    Bonne soirée.

  11. Thibault said, on octobre 12, 2009 at 8:05

    J’ai trouvé la parade parfaite pour clouer le bec aux gens qui me demandent «Tu peux me réparer mon ordi ?». Je leur réponds «Pas de problème, je t’envoie un devis». Ça calme.

  12. Maxime said, on mars 9, 2010 at 8:07

    Bien le bonjour,

    Je trouve que le dessinateur du site The Oatmeal a très bien résumé le pourquoi du « Il ne vaut jamais prétendre connaître les ordinateurs. »:
    http://theoatmeal.com/comics/computers

  13. flo said, on juillet 16, 2010 at 4:21

    Ça me fait penser au strip « Computer Problems » de xkcd : http://xkcd.com/722/


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